La voie à suivre pour refléter correctement les efforts de décarbonisation dans les évaluations des entreprises immobilières canadiennes
De nouvelles normes et de nouveaux cadres émergent pour refléter la décarbonisation dans les évaluations des CRE canadiennes, alors que les facteurs ESG remodèlent le secteur.

Points clés
Le Canada en est aux premiers stades de l’élaboration d’un cadre de méthodologies, de pratiques exemplaires et de normes pour mesurer la décarbonisation des bâtiments.
L’un des principaux catalyseurs de l’effort visant à développer une méthodologie standard d’évaluation de la décarbonation est une nouvelle directive du Conseil international des normes d’évaluation (IVS).
L’un des obstacles est que le Canada ne dispose pas encore d’un système solide d’évaluation des bâtiments pour la décarbonisation.
Le secteur de l'évaluation commence à intégrer des listes de contrôle dans le processus d'évaluation pour aider à suivre où en sont les propriétés dans leur parcours de décarbonisation.
La voie à suivre nécessitera que les évaluateurs collectent des données sur les primes payées et les valeurs évaluées pour les propriétés présentant des caractéristiques spécifiques, telles que l'électrification, l'énergie solaire sur les toits, les améliorations de l'enveloppe du bâtiment et d'autres caractéristiques.
Le Canada pourrait très bien introduire de nouvelles normes d’évaluation de la décarbonisation relativement rapidement
Mesurer les efforts de décarbonisation dans les évaluations des immeubles de bureaux canadiens : une voie à suivre
Évaluer en dollars les réalisations d’un bâtiment en matière de décarbonisation a été un casse-tête difficile à résoudre pour les évaluateurs et l’ensemble du secteur de l’immobilier commercial, mais c’est un défi qui est désormais au premier plan du marché immobilier canadien.
L'un des principaux catalyseurs de l'élaboration d'une méthodologie standard est l'International Valuation Standards Council (IVS). En janvier 2025, l'IVS a annoncé l'intégration des facteurs ESG dans ses pratiques d'évaluation. Ce conseil, qui élabore et fixe des normes techniques et éthiques internationales pour les évaluations, a reconnu l'importance croissante des facteurs de durabilité et de gouvernance dans l'évaluation des actifs et a invité les évaluateurs à prendre en compte les critères ESG dans leur approche. Bien que les Normes uniformes de pratique professionnelle en matière d'évaluation au Canada (NUPPEC) ne suivent pas spécifiquement les normes de l'IVS, cette pratique exemplaire internationale est très susceptible de faire son chemin sur le marché canadien.
Certes, la décarbonation est un élément important du « E » (de l'acronyme ESG). Trouver comment mesurer la décarbonation dans l'évaluation immobilière est désormais une priorité pour le Canada. Mais si cette directive constitue une première étape importante, la tâche cruciale qui reste à accomplir réside dans la manière de procéder et dans la nécessité pour les acteurs du marché immobilier et les principales parties prenantes de se réunir afin d'élaborer un cadre normalisé et des pratiques exemplaires pour mesurer avec précision la prime de valeur créée par la décarbonation.
Surmonter les défis du marché
La décarbonation gagne du terrain dans le secteur international de l'immobilier commercial, et ce, sur plusieurs fronts. Les propriétaires qui en perçoivent les avantages optent pour une approche proactive afin d'améliorer la durabilité et de réduire les émissions, tandis que d'autres sont poussés par l'évolution de la réglementation. Cependant, l'impact de ces efforts sur la valeur des biens immobiliers est un élément important qui manque encore.
Jusqu'à présent, il était plus facile pour les évaluateurs d'évaluer une « prime brune » pour les bâtiments nécessitant des investissements importants pour réaliser des améliorations énergétiques nécessaires, notamment pour répondre aux nouvelles exigences réglementaires ou aux codes du bâtiment. Il était plus difficile de déterminer avec précision et cohérence la valeur monétaire d'une « prime verte » afin de reconnaître les progrès réalisés en matière de décarbonation et d'objectifs de zéro émission nette.
L'un des obstacles à la mesure de la valeur de la décarbonation réside dans le fait que les évaluateurs ne sont pas des teneurs de marché. Ils observent le marché, l'analysent et tentent d'en tenir compte dans leurs évaluations. « Il ne nous appartient pas de dire à un acheteur ou à un vendeur qu'il devrait ajuster les prix pour tenir compte de la décarbonation des bâtiments. Il nous appartient d'observer les premiers signes de cette évolution et d'apporter les ajustements nécessaires à nos propres évaluations », explique Jonas Locke, responsable des services-conseils en évaluation pour le Groupe Altus au Canada. « Un obstacle majeur pour les évaluateurs réside dans la lenteur du marché à s'adapter à la décarbonation et à ajuster les prix en conséquence lors des acquisitions et des cessions », ajoute-t-il.
Un autre obstacle réside dans l'absence d'un système rigoureux d'évaluation des bâtiments pour la décarbonation au Canada. Bien que la certification LEED soit une référence courante en matière de durabilité, les évaluations sont plus globales et ne se concentrent pas uniquement sur la décarbonation. Le Conseil du bâtiment durable des États-Unis a récemment introduit les classifications « Zéro énergie » et « Zéro carbone net » pour les bâtiments. Cependant, il reste difficile de comparer deux bâtiments « Zéro énergie net » et « Zéro carbone net » qui peuvent comporter des éléments différents influençant les émissions de carbone, comme l'électrification, les améliorations solaires ou l'amélioration de l'enveloppe du bâtiment.
Un troisième défi à relever est d’accroître la formation et l’éducation des évaluateurs afin qu’ils comprennent pleinement les bâtiments écologiques et qu’ils mesurent mieux les investissements réalisés dans la décarbonisation.
Développer des méthodologies d'évaluation
Le Canada en est aux premières étapes de l'élaboration d'un cadre de méthodologies, de pratiques exemplaires et de normes pour mesurer la décarbonation. À quoi ressemble cette voie ? Premièrement, elle implique un effort collectif impliquant divers groupes industriels travaillant avec des intérêts des secteurs public et privé. REALPAC, le Conseil du bâtiment durable du Canada et le Centre PLACE de l'Institut pour l'IntelliProspérité comptent parmi les groupes qui prennent l'initiative.
« Au Canada, nombreux sont ceux qui, dans le secteur de l'évaluation, tentent de s'organiser autour de la question de savoir comment mesurer adéquatement la décarbonation, en particulier, ainsi que d'autres éléments ESG dans nos évaluations », explique M. Locke. Bien que l'élaboration d'une méthodologie n'en soit qu'à ses débuts, M. Locke s'attend également à ce que des normes émergent relativement rapidement.
Les questions clés actuellement abordées sont les suivantes :
Comment organiser l’industrie canadienne de l’évaluation autour de la décarbonisation ?
Comment pouvons-nous construire une méthodologie et créer des normes que tout le monde peut accepter et suivre ?
Comment mieux former et éduquer les évaluateurs sur la valorisation de la décarbonation ?
Comment communiquer et informer l’ensemble du secteur immobilier commercial sur les nouvelles normes ?
Altus, l'une des plus importantes sociétés d'évaluation commerciale au Canada et entretenant des relations étroites avec les propriétaires immobiliers institutionnels, participe activement aux discussions et au partage d'idées. « Nous nous réunissons actuellement au sein de l'industrie pour élaborer une méthodologie d'évaluation de la décarbonation des bâtiments, ce qui rend la période actuelle particulièrement intéressante pour le secteur de l'évaluation », explique M. Locke.
De l'évaluation des risques à la création de valeur
Les émissions opérationnelles du secteur du bâtiment représentent environ 18 % des émissions totales du Canada. Le passage à des bâtiments à bilan carboneutre peut donc avoir un impact réel sur la réduction des émissions globales. L'un des facteurs qui motivent la décarbonation pour les propriétaires de bâtiments est le risque de perte de valeur. Une définition plus claire de la prime verte pour les bâtiments à bilan carboneutre pourrait renforcer l'analyse de rentabilisation et créer une incitation supplémentaire à promouvoir des stratégies de bilan carboneutre.
En fin de compte, les investisseurs investissent dans les flux de trésorerie d'un bien immobilier, et le prix qu'ils sont prêts à payer reflète la sécurité de ces revenus par rapport aux autres placements. Alors, pourquoi un bâtiment écologique ne se négocie-t-il pas à un rendement inférieur alors qu'il s'agit, en théorie, d'un investissement moins risqué ? Cette question est particulièrement pertinente au Canada, car une législation sur les émissions de carbone est en cours d'élaboration, principalement au niveau municipal, dans des villes comme Toronto, Vancouver et, dans une certaine mesure, Montréal.
Parmi les exemples mondiaux émergents, la ville de New York a adopté la loi locale 97, entrée en vigueur en 2024, qui prévoit une pénalité financière pour les bâtiments ne respectant pas certaines limites de réduction des émissions de carbone. « Il est très probable que des réglementations sur les bâtiments écologiques seront mises en place à un moment ou à un autre, et que les propriétaires devront s'efforcer de les respecter. Le risque est donc que, si vous ne réalisez pas ces investissements aujourd'hui, vous vous retrouviez avec des besoins en capital importants à terme, ou pire, avec des pénalités financières », explique Locke. De plus, les bâtiments aux émissions plus élevées pourraient subir un désavantage concurrentiel important à l'avenir.
Des idées émergent autour des meilleures pratiques
Différentes régions du monde sont plus avancées que le Canada en matière de mesure de la décarbonation. Certains gouvernements européens, par exemple, ont instauré une réglementation exigeant qu'un bâtiment, pour être commercialisé, dispose au minimum d'un plan visant à atteindre la neutralité carbone dans un délai déterminé. Australie et la Nouvelle-Zélande sont également plus avancés en matière de surveillance et de réglementation gouvernementales mises en place autour de la décarbonisation.
« Sur les marchés un peu plus avancés, nous pouvons nous inspirer de nos pairs pour voir comment ils quantifient les efforts de décarbonation et les mesurent d'un bâtiment à l'autre », explique Locke. « Cela nous permet d'en tirer des indices et de vérifier l'harmonisation, car la valorisation de la décarbonation doit être abordée de manière cohérente sur tous les marchés. »
L'une des recommandations de Décarbonisation des bâtiments commerciaux du Canada : le point de vue des propriétaires et des investisseurs Publié par REALPAC, le Conseil du bâtiment durable du Canada et le Centre PLACE de l'Institut pour l'IntelliProspérité, ce rapport vise à améliorer les normes et la divulgation des données. Les gouvernements et l'industrie doivent œuvrer à l'harmonisation des normes à l'échelle de l'industrie, et le rapport encourage l'industrie à prendre l'initiative en mobilisant tous les ordres de gouvernement du Canada afin d'assurer une approche uniforme en matière de normes et d'étiquetage de performance des émissions des bâtiments.
« Dans le monde de l'évaluation, nous nous appuyons fortement sur les données pour prendre des décisions en fonction de ce que nous disent ces données et du marché », explique Locke. « De nombreux ouvrages affirment qu'un bâtiment à consommation énergétique nette zéro a plus de valeur qu'un autre, mais les données de vente pour étayer cette affirmation sont inexistantes. C'est donc un défi majeur. »
Une solution possible consiste à créer des bases de données contenant des informations sur les primes versées et les valeurs estimées des propriétés présentant des caractéristiques spécifiques. Cependant, il est difficile de développer davantage de données et de transparence, car la réglementation des émissions de carbone est peu uniforme au Canada. Les services publics varient d'une province à l'autre en matière de contrôle des données, ce qui complique l'accès aux données de consommation à l'échelle nationale. Par conséquent, il est difficile d'obtenir des données, même élémentaires, permettant de comparer la consommation et les coûts énergétiques entre les bâtiments.
Perspectives : Des solutions pourraient émerger rapidement
Le secteur de l'évaluation commence actuellement à intégrer des listes de contrôle à son processus d'évaluation afin de commencer à établir un historique des propriétés à chaque étape du cycle de décarbonation. « C'est un point de départ assez rudimentaire, mais les participants se réunissent pour discuter de la collecte de données et des éléments à inclure dans cette liste de contrôle », note Locke. « Quels éléments devrions-nous suivre ? Et si nous les suivons tous ensemble, nous pourrions peut-être constituer une base de données pour déterminer les éléments importants dans l'évaluation. »
« La certification LEED est un élément essentiel, mais il est important d'examiner les autres investissements réalisés. Il existe différentes manières pour un bâtiment d'atteindre la neutralité carbone, et nous devons déterminer lesquels de ces éléments doivent être suivis, lesquels sont importants et lesquels sont les plus importants », ajoute Locke.
Par exemple, CIBC Square est un immeuble de bureaux flambant neuf du centre-ville de Toronto, à consommation énergétique nette zéro. « Lorsque nous l'évaluons, nous lui accordons une prime par rapport à tout autre élément. Mais cette prime ne se limite pas à la consommation énergétique nette zéro : l'immeuble est entièrement neuf, bénéficie de locataires de qualité et bénéficie d'un emplacement idéal. Nous savons donc qu'il a une valeur élevée, mais il est très difficile de quantifier la part attribuable au fait qu'il s'agisse d'un immeuble écologique et celle attribuable à tous ces autres facteurs », explique Locke.
Le secteur de l'évaluation peut également jouer un rôle dans l'amélioration de la formation et de l'éducation des évaluateurs. La première étape consistera à renforcer la formation de l'Institut des évaluateurs et à collaborer avec l'UBC pour élaborer un programme de formation. L'UBC offre des programmes de formation aux évaluateurs au Canada en vue de leur certification. « Nous n'en sommes qu'aux premières étapes. Nous devons encore déterminer l'approche et la méthodologie nécessaires, puis nous élaborerons la formation à partir de là », explique M. Locke.
Bien que l'élaboration d'un cadre d'évaluation de la décarbonation immobilière n'en soit qu'à ses débuts, des normes pourraient émerger rapidement maintenant que l'IVS et d'autres forces s'unissent pour faire avancer le dossier. « Le gouvernement canadien se concentre désormais sur la décarbonation, et cette dynamique va forcer le secteur de l'évaluation à approfondir ses connaissances et sa compréhension de la décarbonation », déclare Locke. « Nous devons adopter ce principe et apprendre à travailler dans ce contexte très rapidement. Je pense que d'ici trois ans, nous aurons résolu ce problème au Canada, et nous mesurerons la décarbonation et l'inclurons dans nos rapports d'évaluation immobilière. »
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Auteur

Jonas Locke
Vice-président, Conseil en évaluation
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Jonas Locke
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