L'immobilier commercial comme catalyseur : emplois, investissements et politiques dans une économie canadienne en mutation
Nouvelle recherche sur la façon dont le secteur immobilier commercial du Canada stimule l’emploi et l’investissement tout en étant confronté à des vents contraires politiques, démographiques et économiques.

Points clés
La croissance démographique du Canada a fortement ralenti, et les changements de politique fédérale devraient pousser la croissance à court terme près de zéro, créant des effets d'entraînement sur le logement, la main-d'œuvre et la demande en immobilier commercial.
L'incertitude commerciale et politique a déstabilisé les entreprises, contribuant à un investissement plus faible, à une croissance plus lente et à une plus grande prudence parmi les investisseurs et les développeurs.
Les marchés du travail sont sous tension, avec un ralentissement de la croissance de l'emploi et une baisse de la participation des jeunes, ce qui suscite des inquiétudes quant à la résilience à long terme
L'immobilier commercial demeure un moteur économique majeur, soutenant plus d'un million d'emplois, générant près de 200 milliards de dollars de PIB et faisant face à la pression de la baisse des volumes de transactions et du taux de vacance élevé dans le secteur des bureaux, tandis que les secteurs multifamilial, commercial et industriel affichent des signaux mitigés.
Des règles de planification plus souples, des processus d’approbation plus rapides et des mesures fiscales qui soutiennent les nouveaux investissements, la réutilisation adaptative et une croissance démographique équilibrée pourraient contribuer à rétablir l’élan.
Lors de la conférence NAIOP CRE Converge de cette année, Peter Norman, vice-président et stratège économique, a eu l'occasion de partager de nouvelles perspectives sur l'impact économique du secteur de l'immobilier commercial (CRE) au Canada. Cette présentation s'appuyait sur de nouvelles recherches menées en collaboration avec la Fondation de recherche de la NAIOP et intervient à un moment crucial, alors que l'incertitude macroéconomique, les changements démographiques et les décisions politiques transforment l'environnement dans lequel évolue le secteur de l'immobilier commercial.
Le thème était clair : l’immobilier commercial ne se résume pas à la construction de bâtiments, il est aussi source d’emplois, d’investissements et de vitalité des communautés. Mais pour maximiser son potentiel, nous devons reconnaître à la fois ses apports et ses défis actuels.
Démographie : un outsider de l'économie
Historiquement, la démographie a constamment influencé le marché du logement et de l'immobilier, quoique de façon lente et prévisible. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. La croissance démographique du Canada a explosé immédiatement après la pandémie, dépassant le million de nouveaux arrivants par an, grâce à l'élargissement de l'immigration et des permis temporaires par le gouvernement. Mais au cours de la dernière année, la croissance a fortement ralenti, atteignant environ la moitié de ce rythme.
À l'avenir, les changements prévus dans la politique fédérale en matière de permis de travail et d'études devraient ralentir considérablement la croissance démographique, la ramenant à un niveau proche de zéro au cours des trois prochaines années et la maintenant à un rythme modéré par la suite. Un tel changement a des conséquences concrètes. Moins de « corps chauds » signifie moins de travailleurs pour occuper les postes, une demande de logements plus faible, une consommation plus faible et un ralentissement de la dynamique dans l'ensemble du secteur immobilier commercial, affectant tous les secteurs, du trafic commercial à la logistique industrielle et aux emplois de bureau.
La croissance démographique est en définitive déterminée par les décisions politiques, et le calendrier et l'ampleur des récentes baisses soulèvent d'importantes questions. La démographie, qui constitue généralement un contexte stable pour les tendances économiques, est devenue une force plus active influençant l'économie actuelle. Du point de vue sectoriel, nous souhaitons que les décideurs politiques réexaminent la nécessité de telles évolutions, notamment en période d'incertitude économique.
Incertitude : le brouillard coûteux des tarifs douaniers et des changements de politique
La politique commerciale est un autre facteur perturbateur. Avant même l'entrée en vigueur officielle des tarifs douaniers début 2025, le discours protectionniste a déstabilisé les entreprises canadiennes. Celles-ci ont accumulé des stocks, les investissements ont ralenti et les prévisions ont fortement baissé.
Les données montrent que l'économie canadienne s'est contractée au deuxième trimestre, effaçant les gains du début d'année. Les marchés boursiers demeurent volatils, les ventes de logements neufs ont chuté et la confiance des consommateurs a été ébranlée. Si les dépenses de détail ont relativement bien résisté, le climat général est à la prudence. Les investisseurs et les promoteurs sont moins enclins à prendre des décisions audacieuses dans un contexte macroéconomique plongé dans l'incertitude.
Marchés du travail : affaiblissement des fondations
Les données sur le marché du travail indiquent une tension persistante. Après de solides gains en 2024, la croissance de l'emploi a considérablement ralenti. Des rapports récents ont fait état de pertes nettes, ce qui a fait grimper le chômage. L'emploi des jeunes est particulièrement préoccupant : le taux d'activité des 20 à 24 ans a sensiblement diminué, ce qui soulève des questions sur la résilience à long terme de la population active canadienne.
Alors que les travailleurs seniors restent plus longtemps en poste, la nouvelle génération a plus de mal à s'établir. Pour une économie qui repose sur les talents et la croissance, ce déséquilibre est important, et l'immobilier commercial pourrait en ressentir les effets par ricochet : une demande plus faible en bureaux, un retard dans la création de nouveaux logements et un ralentissement de l'activité commerciale.
L'empreinte économique de l'immobilier commercial
Dans ce contexte, il convient de rappeler à quel point l'immobilier commercial est essentiel à l'économie canadienne. Nos recherches montrent que ce secteur soutient plus d'un million d'emplois à l'échelle nationale. Cet impact est comparable à celui de l'industrie pétrolière et gazière, qui joue un rôle important dans l'élaboration des politiques fédérales et provinciales.
Ces emplois sont accessibles via trois canaux :
Impacts directs : Emploi dans la construction, la gestion immobilière, la location, le courtage et les opérations.
Impacts indirects : Les industries en amont, des architectes aux producteurs d’acier, des entreprises de restauration aux comptables.
Impacts induits : Dépenses locales générées lorsque les travailleurs de l'immobilier commercial et de ses chaînes d'approvisionnement dépensent leur salaire dans leurs communautés.
Ensemble, les immeubles de bureaux génèrent près de 200 milliards de dollars de PIB, soit environ 7 % de l’économie canadienne. Ce secteur n’est pas passif ; il s’agit d’un puissant catalyseur de l’activité économique.
Points de tension : Investissement et transactions
Le secteur est sous pression. Les volumes de transactions ont fortement chuté depuis 2021, les transactions dans le secteur des bureaux ayant diminué de moitié et la plupart des autres classes d'actifs ralentissant également. Les taux de capitalisation élevés et les coûts d'emprunt élevés pèsent sur les rendements, tandis que l'incertitude entourant la croissance a maintenu la prudence des investisseurs.
Il en résulte un secteur qui demeure vital, mais qui est actuellement contraint. Son potentiel est limité par des obstacles politiques et financiers.
Bureau : le défi de l'obsolescence fonctionnelle
Les défis sont particulièrement aigus dans le secteur des bureaux, où les changements structurels de la demande entrent en conflit avec l'offre établie de longue date. Le Canada compte environ 75 millions de mètres carrés d'espaces de bureaux, dont environ 100 millions sont vacants. Le défi n'est pas seulement le télétravail – bien que les modèles hybrides aient modifié la demande de façon permanente – mais aussi la révolution de l'efficacité spatiale. Les lieux de travail actuels sont conçus avec environ la moitié de l'espace par employé par rapport aux normes d'avant la pandémie.
Malgré la création nette d'environ 500 000 nouveaux emplois de bureaux au Canada ces dernières années, le taux d'absorption a à peine bougé. Une grande partie des espaces vacants est fonctionnellement obsolète : l'ancienne politique jouera un rôle clé. Attendre les ordres de retour au bureau ne résoudra pas le problème. Un environnement réglementaire plus souple pourrait accélérer les conversions et les réaménagements, transformant les tours obsolètes en logements ou en d'autres usages, ouvrant ainsi la voie à des investissements dans de nouveaux projets de bureaux de haute qualité qui répondent mieux à la demande actuelle.
Immeubles collectifs, commerces de détail et industriels : des signaux mitigés
D’autres classes d’actifs présentent une image plus nuancée.
Multifamilial: La construction de logements locatifs institutionnels a augmenté, stimulée par des changements de politique fiscale comme le remboursement de la TPS/TVH de 2023. Cependant, le financement demeure difficile, et le ralentissement de la croissance des ménages de jeunes adultes pourrait mettre à l'épreuve la demande à moyen terme.
Vente au détail: Les dépenses de consommation ont été étonnamment résilientes et les investissements de détail sont restés stables, même si une croissance démographique plus lente pourrait créer des risques de surconstruction à court terme.
Industriel: La logistique, les centres de données et l'entreposage frigorifique continuent d'attirer des capitaux, les niveaux d'investissement augmentant régulièrement depuis 2021. La demande de niche, associée au remplacement des stocks plus anciens, maintient ce secteur dans une position relativement positive.
Un appel à l'action
Notre étude nous apprend deux choses. Premièrement, l'immobilier commercial est un pilier de l'économie canadienne : il soutient l'emploi, stimule l'investissement et contribue à façonner les collectivités aux côtés des plus grandes industries du pays. Deuxièmement, le secteur traverse une période de forte pression, et des choix politiques réfléchis joueront un rôle important pour déterminer s'il prend de l'ampleur ou s'il reste limité.
Des règles d'urbanisme plus souples, des processus d'approbation plus rapides et des politiques fiscales encourageant à la fois les nouveaux investissements et la réutilisation adaptative contribueraient à ouvrir de nouvelles perspectives. Il pourrait également être utile de réévaluer les récentes évolutions des politiques démographiques à court terme, compte tenu de leurs vastes répercussions sur l'immobilier commercial et les secteurs connexes.
À une époque d’incertitude, une chose est sûre : un secteur immobilier commercial florissant est essentiel à la prospérité du Canada.
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Auteur

Pierre Normand
Vice-président et stratège économique
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