Planifier l’avenir : relever les défis structurels du secteur des bureaux au Canada
Le secteur canadien des bureaux est confronté à une offre excédentaire à long terme. Pourquoi les urbanistes doivent agir dès maintenant pour convertir les espaces obsolètes et soutenir la prochaine vague de demande de bureaux modernes.

Points clés
Le secteur des bureaux au Canada est confronté à un changement structurel, et non cyclique, entraîné par une croissance démographique plus lente, le travail hybride et une utilisation plus efficace de l’espace.
Malgré la création de près de 500 000 nouveaux emplois de bureau au cours des cinq dernières années, la demande de nouveaux espaces reste faible en raison de la baisse du ratio espace par travailleur.
Plus de 100 millions de pieds carrés d'espace de bureaux sont disponibles à l'échelle nationale, dont 37 millions dans la RGT, ce qui indique une offre excédentaire importante.
Une bifurcation claire est apparue : la demande est de plus en plus concentrée dans les immeubles de bureaux modernes et centraux de classe AAA, tandis que le parc de bureaux plus ancien et obsolète reste largement vacant et sous-utilisé.
Une stratégie à long terme est nécessaire : les décideurs politiques doivent permettre une conversion plus rapide des espaces de bureaux obsolètes et soutenir des investissements ciblés dans de nouveaux parcs de bureaux durables.
Les villes sont construites pour le long terme. Les urbanistes nous rappellent que nos cadres doivent se projeter dans les décennies à venir et ne pas se laisser influencer par les fluctuations économiques actuelles. Mais lorsque le paysage économique évolue de manière structurelle – comme c'est le cas dans le secteur des bureaux au Canada – la planification doit s'adapter.
Contexte macroéconomique : croissance plus lente, populations plus faibles
Commençons par poser le contexte. Le Canada, et l'Ontario en particulier, sont aux prises avec une incertitude économique. Les entreprises s'inquiètent du ralentissement économique, rendu plus complexe par les tensions commerciales mondiales persistantes et par les récentes fluctuations de la conjoncture économique.allumé-allumé éteint-allumé Questions tarifaires. La croissance du PIB à court terme devrait être faible – nous prévoyons environ 1,3 % par an pour le Canada et seulement 0,7 % pour l'Ontario au moins jusqu'à la fin de 2026. La croissance de l'emploi ralentira également, la création d'emplois devant chuter à environ un quart de ce que nous avons vu au cours des deux dernières années.
Le plus grand facteur perturbateur à long terme ne réside peut-être pas dans les tarifs douaniers ou les taux d'intérêt, mais dans la démographie. La croissance démographique, normalement un moteur constant de l'activité économique, ralentit fortement. Le plan d'immigration du Canada, mis en œuvre l'automne dernier, a délibérément ralenti le rythme de croissance du nombre de résidents permanents et activement réduit le nombre de résidents non permanents. Résultat ? Une croissance démographique nette nulle est prévue pour les deux prochaines années, avec seulement de modestes augmentations par la suite. Moins de personnes signifie un ralentissement de la croissance de l'emploi, ce qui se répercutera sur tous les secteurs de l'économie, y compris le marché des bureaux.
La nouvelle réalité du marché des bureaux
Ceci nous amène au cœur du problème. Les marchés de bureaux ont toujours été cycliques. Ils fluctuent au gré des activités locatives, des expansions d'entreprises et des récessions. Mais derrière ces cycles se cachent des facteurs à plus long terme : le nombre d'employés et l'espace dont chaque travailleur a besoin.
La pandémie n'a pas seulement provoqué une baisse temporaire de la demande de bureaux : elle a accéléré les changements à long terme dans la façon dont les entreprises utilisent les espaces de travail. Le travail hybride, l'hébergement et le passage au numérique se traduisent par une réduction des besoins en espace par employé. Ces tendances étaient déjà présentes avant la COVID-19, mais la pandémie les a accélérées de manière spectaculaire – et elles ne sont pas près de disparaître.
Certes, nous entendons parler de banques et d'autres entreprises imposant un retour au bureau. Mais ces mesures n'ont qu'un impact limité sur l'utilisation totale des espaces de bureaux. La transition vers une meilleure efficacité des espaces est continue et permanente.
Un marché en suroffre structurelle
Lorsqu'on prend du recul et qu'on examine le marché canadien des bureaux dans son ensemble, il apparaît clairement que nous sommes confrontés à une offre excédentaire structurelle importante. À l'échelle du pays, plus de 9,1 millions de mètres carrés (100 millions de pieds carrés) d'espaces de bureaux commerciaux sont actuellement disponibles à la location, dont environ 3,2 millions de mètres carrés (37 millions de pieds carrés) dans la seule région du Grand Toronto (RGT). Il s'agit d'une quantité impressionnante d'espaces vacants, qui reflète des changements profonds dans la façon dont les entreprises utilisent l'immobilier de bureaux.
Au cours des cinq dernières années, le marché a connu une absorption négative, ce qui signifie que la superficie totale des espaces loués a diminué. En fait, l'absorption nette a diminué d'environ 8 millions de pieds carrés (environ 7,6 millions de mètres carrés) durant cette période. Même depuis fin 2021, lorsqu'une certaine stabilité a commencé à revenir et que les entreprises ont commencé à imposer davantage de travail en présentiel, le rythme de location est resté modéré. À l'échelle nationale, les nouvelles locations nettes n'atteignent qu'environ 900 000 pieds carrés (environ 83 000 mètres carrés) par an, bien loin des 7 millions de pieds carrés (environ 6,8 millions de mètres carrés) par an observés avant la pandémie. Et dans la région du Grand Toronto, l'absorption reste négative malgré quelques signes encourageants récents.
Il est important de noter que cet excédent d'espace n'est pas le résultat d'une faible croissance économique ou d'un manque de création d'emplois. En fait, l'économie canadienne a créé près de 500 000 nouveaux emplois de bureau au cours des cinq dernières années, dont 200 000 dans la seule région du Grand Toronto. Mais les entreprises utilisent l'espace beaucoup plus efficacement qu'auparavant, grâce au télétravail, aux formules hybrides et aux nouvelles façons de partager et de gérer les environnements de bureau.
Mais ce n'est pas seulement une question de quantité d'espace vacant, mais aussi de type d'espace. Le marché canadien des bureaux est de plus en plus divisé : les immeubles de prestige continuent de susciter un intérêt relativement fort, tandis que d'autres peinent à trouver des locataires.
Tout cela crée une inadéquation fondamentale entre le type d'espaces de bureaux disponibles et les besoins actuels des entreprises. Une grande partie des espaces vacants se trouve dans des bâtiments anciens, peu adaptables ou mal situés. Sans plan pour remédier à cette surabondance d'espaces obsolètes, il sera difficile de créer les conditions propices à de nouveaux investissements dans des immeubles de bureaux modernes et durables, moteurs de la croissance économique des années à venir.
Tous les espaces ne sont pas égaux
Le marché canadien des bureaux est entré dans une période de suroffre structurelle, mais il est important de reconnaître que ce marché n'est pas monolithique. Les utilisateurs de bureaux ont affiché une forte ruée vers la qualité depuis la pandémie, ce qui signifie que la demande est fortement concentrée dans les immeubles modernes et bien situés de catégorie AAA, en particulier dans les quartiers d'affaires centraux. Ces espaces affichent généralement de bons résultats, mais parallèlement, on observe une surabondance croissante d'espaces inoccupés ou sous-utilisés dans des immeubles anciens, fonctionnellement obsolètes ou mal situés.
Cette surabondance d'espaces obsolètes pose un sérieux défi : elle freine l'investissement dans le parc de bureaux neuf et moderne dont nous aurons besoin à terme. Il peut sembler paradoxal d'envisager la construction de nouveaux bureaux alors que les taux de vacance sont élevés, mais au cours de la prochaine décennie, avec l'évolution de l'économie, nos villes auront besoin de bâtiments neufs, économes en énergie et adaptables pour accueillir la prochaine génération d'entreprises. En d'autres termes, les bâtiments d'hier (et les espaces vacants d'aujourd'hui) ne sont pas adaptés à l'économie de demain.
Pour garantir un marché de bureaux sain et fonctionnel, les urbanistes doivent s'attaquer à ce surnombre d'espaces obsolètes. Cela implique d'encourager la conversion ou le réaménagement de bâtiments anciens en logements, en usages institutionnels ou à d'autres fins plus nobles et plus avantageuses. Ce n'est qu'en résorbant ce retard que nous pourrons inciter les investisseurs à financer la prochaine génération de bureaux modernes – des espaces qui répondront aux besoins d'une main-d'œuvre croissante et axée sur le savoir.
Il est temps de planifier de manière adaptative
Alors, où cela mène-t-il les planificateurs et les décideurs politiques ?
Le secteur des bureaux dispose d'un important surplus d'espaces, mais ces espaces sont mal adaptés aux mauvais emplacements. Une grande partie de ce parc est fonctionnellement obsolète : les bâtiments ne répondent plus aux besoins des entreprises et des travailleurs modernes.
La voie à suivre comporte deux parties :
Réaffecter (par conversion ou réaménagement) des espaces obsolètes dans des emplacements peu performants à d'autres usages - espaces résidentiels, institutionnels ou créatifs à usage mixte, et
Encourager l’investissement dans des immeubles de bureaux à usage unique de haute qualité, durables et situés au centre-ville, qui soutiendront l’économie canadienne au cours des 10 à 20 prochaines années.
Les politiques de conversion et de réaménagement doivent être simples et axées sur des autorisations rapides et efficaces. Elles doivent être exemptes de conditions complexes, comme l'obligation de prévoir une certaine mixité d'usages, qui pourraient ne pas correspondre à la demande du marché et ralentir ou alourdir le projet. Les municipalités devraient encourager activement la conversion de bureaux par des politiques qui ne soient pas liées à d'autres priorités municipales, telles que le logement abordable ou les normes de performance environnementale.
Les changements structurels du marché des bureaux sont là pour durer. Il est temps pour les urbanistes de cesser de réagir aux fluctuations à court terme et d'élaborer une stratégie adaptative pour l'avenir du travail et de nos villes.
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Auteurs

Pierre Normand
Vice-président et stratège économique
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