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Les conséquences imprévues de la hausse des coûts et des retards dans le secteur du logement au Canada

Peter Norman, du groupe Altus, a témoigné devant une sous-commission du Sénat canadien sur la façon dont les coûts, les frais et les retards liés au logement alimentent la crise du logement au pays.

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novembre 12, 2025

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Points clés :


  • En 2024, les délais d'approbation des projets de construction au Canada étaient en moyenne de près d'un an (11,6 mois), ce qui engendrait des coûts de financement et de possession importants, freinant ainsi les nouveaux investissements dans le logement.

  • Les frais municipaux sur les maisons neuves varient d'une ville à l'autre, allant de moins de 10 000 $ à près de 200 000 $ pour les maisons unifamiliales, ce qui a un impact direct sur l'accessibilité au logement.

  • L'accumulation croissante d'exigences réglementaires, allant des évaluations environnementales aux études techniques, est devenue un facteur de coût caché sur l'ensemble des marchés.

  • Les ventes de logements neufs ont chuté d'environ 90 % depuis 2021, mettant en péril près de 87 500 emplois dans le secteur de la construction et les secteurs connexes.

  • La reconversion des immeubles de bureaux obsolètes offre un potentiel de soulagement pour les marchés du logement et des bureaux, mais les progrès restent freinés par l'opposition des municipalités.

Lors de son témoignage devant le Comité permanent des banques, du commerce et de l'économie du Sénat canadien, Peter Norman, vice-président et stratège économique du Groupe Altus, a souligné un problème urgent auquel le Canada est confronté aujourd'hui : les coûts structurels inhérents aux nouveaux logements.

S'appuyant sur des décennies de données sur le marché du logement, y compris des données exclusives Données canadiennes du groupe AltusDans le cadre de ses études de faisabilité et d’analyse des politiques municipales, Norman a souligné que la crise du logement au Canada ne se résume pas à une demande supérieure à l’offre, mais plutôt aux délais, aux coûts et aux contraintes réglementaires cumulatives qui rendent de plus en plus difficile la mise sur le marché de nouveaux logements abordables.


Le témoignage intégral de Peter Norman est disponible en visionnage à la demande ici.



Les coûts du retard


Le temps demeure l’un des facteurs les plus importants en matière d’accessibilité au logement. Selon une étude nationale du Groupe Altus sur les autorisations de développement, il faut en moyenne 11,6 mois pour qu’un projet reçoive une décision municipale, soit près d’un an avant le début des travaux. Les délais d’approbation varient considérablement d’une région à l’autre du pays, allant de deux mois à Saskatoon à 31 mois à Hamilton et 25 mois à Toronto.

Les retards importants ne se contentent pas de bloquer la construction ; ils font grimper les coûts d’exploitation, augmentent les frais de financement, risquent d’accroître les coûts de construction et dissuadent les investissements futurs. Ces difficultés ne sont pas uniquement dues à l’inefficacité des procédures d’examen architectural, mais aussi à la complexité générale des processus municipaux, notamment au nombre croissant d’études techniques requises avant l’approbation.

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redevances d'aménagement et un modèle de financement municipal évolutif


Un deuxième facteur important de pression sur les coûts provient de la variation des frais municipaux applicables aux nouveaux aménagements. Selon les données canadiennes du Groupe Altus :

  • Les frais municipaux moyens par maison unifamiliale s'élèvent à 82 600 $, mais varient de moins de 10 000 $ à Charlottetown et Moncton à près de 200 000 $ à Toronto

  • Pour les appartements en immeubles de grande hauteur, les frais varient de 2 000 $ à 134 000 $, avec une moyenne d'environ 35 000 $.

Cette disparité reflète une évolution plus générale du financement municipal. Alors que les villes d'après-guerre s'appuyaient autrefois sur des obligations à faible coût remboursées par l'impôt foncier, la plupart des municipalités dépendent désormais d'un modèle où « la croissance finance la croissance », qui fait supporter l'intégralité du coût des infrastructures aux nouveaux projets immobiliers.

Résultat ? Les maisons actuelles intègrent des coûts initiaux importants dans leur prix de vente et leur prêt hypothécaire, tandis que les taxes foncières restent relativement faibles. Ces faibles taxes foncières pourraient, involontairement, contribuer à l’inflation des prix de l’immobilier.


La réglementation comme facteur de coût caché


Au-delà des frais et des délais d'approbation, l'effet cumulatif de la réglementation est devenu un facteur important de l'augmentation du coût du logement. Prises individuellement, chaque nouvelle exigence du code du bâtiment, norme énergétique, évaluation environnementale ou directive d'urbanisme peut se justifier. Mais accumulées au fil des décennies, elles ont créé un système lent, complexe et coûteux à appréhender.

Dans certaines municipalités, une trentaine d'études, voire plus, couvrant tous les aspects (gestion des eaux pluviales, impacts des ombres portées, circulation, hydrogéologie, études économiques, etc.), doivent être réalisées avant même qu'une demande puisse être acceptée. Les municipalités doivent ensuite examiner et analyser ces rapports, ce qui peut entraîner des retards de plusieurs années dans les échéanciers de développement.

La surveillance réglementaire demeure essentielle, mais la complexité, l'ampleur et le manque de responsabilisation du système contribuent fortement à la hausse des coûts du logement. Une approche plus efficace et axée sur les résultats est nécessaire pour éviter que des processus, même bien intentionnés, ne compromettent l'accessibilité au logement.



Un effondrement des ventes de logements neufs


Une analyse récente présentée au Sénat a mis en évidence un Forte baisse des ventes de maisons neuves dans la région du Grand Torontoce qui laisse entrevoir des répercussions plus larges sur les marchés du logement et de l’emploi au Canada. Les données canadiennes du Groupe Altus montrent :

  • Les ventes de logements neufs ont chuté d'environ 90 % par rapport à 2021. Ce recul menace près de 87 500 emplois, notamment dans le secteur de la construction, les chaînes d'approvisionnement et les secteurs connexes comme le commerce de détail et les services.

  • Les conditions du marché ont continué de se détériorer ces derniers mois, avec des projets au point mort ou annulés.

Bien que le marché de la revente de logements reste dynamique, le net recul de la construction de logements neufs représente un risque important pour l'offre future, l'emploi et la stabilité économique générale. Sans reprise des mises en chantier, le maintien de l'emploi, des investissements et de la disponibilité de logements à long terme est impossible.



L'opportunité de transformer des bureaux en logements


Au Canada, environ 100 millions de pieds carrés d'espaces de bureaux sont considérés comme fonctionnellement obsolètes. La conversion ou le réaménagement de ces immeubles pourrait offrir une double solution : contribuer à résorber la surabondance de l'offre dans le secteur des bureaux tout en augmentant le nombre de logements dont le pays a un besoin urgent.

Toutefois, la résistance des municipalités à la conversion des bâtiments demeure un obstacle majeur. À Toronto et dans d'autres grandes villes, la crainte de perdre des espaces d'emploi a freiné les progrès, même pour les immeubles vacants depuis des années. Une réglementation plus souple et plus rapide pourrait permettre de concrétiser ce projet, de revitaliser les centres-villes et de contribuer à l'augmentation de l'offre de logements.



Dynamique des migrations, de la revente et de la construction neuve


Il est important de noter que le Canada ne connaît pas d'effondrement général de la demande de logements. Le marché de la revente demeure relativement stable, avec des volumes de transactions comparables à ceux de l'an dernier, soit environ 500 000 unités à l'échelle nationale. Cela indique que les Canadiens souhaitent toujours acquérir un logement et que les transactions se poursuivent. Le problème réside plutôt dans le marché de la construction neuve (ventes de logements neufs), où les ventes ont considérablement diminué, non seulement dans la région du Grand Toronto, mais aussi dans la plupart des marchés urbains du pays où le Groupe Altus recueille des données. Ce net recul menace l'offre future de logements, l'emploi dans le secteur de la construction et la stabilité économique.

Les tendances migratoires montrent que les Canadiens continuent de se déplacer vers des régions plus abordables, y compris des déménagements interprovinciaux vers des villes comme Calgary. Cependant, la migration motivée par l'accessibilité au logement dépend généralement de la présence d'emplois ou de possibilités de mutation, ce qui en limite l'ampleur. Surtout, le ralentissement des ventes de maisons neuves touche presque tous les grands marchés canadiens, ce qui laisse penser que le problème est structurel et non pas seulement localisé dans les centres urbains surchauffés.


Transparence, fiscalité et impacts sur les propriétaires


Les discussions au Sénat ont également porté sur le manque de transparence quant à la manière dont les taxes, les frais et les prélèvements sont intégrés au prix de vente final d'une maison neuve. Une plus grande transparence dans ce domaine a été jugée essentielle pour améliorer la responsabilisation et la compréhension des facteurs qui influent sur l'accessibilité au logement.

Dans le secteur du logement, de nombreux frais (taxe d'aménagement, frais d'urbanisme, bonus de densité, cessions d'espaces verts, etc.) sont intégrés au prix des prêts hypothécaires plutôt que d'être divulgués séparément. Si la transparence à elle seule ne permettrait pas de réduire les coûts, indiquer clairement la part du prix d'un logement qui provient des charges publiques pourrait aider les acheteurs à mieux comprendre le financement des infrastructures.

Le modèle canadien du « financement de la croissance » a transféré une grande partie du coût des infrastructures des municipalités aux nouveaux acheteurs de maisons par le biais de frais d'aménagement initiaux. Cela permet aux villes de financer leur croissance sans augmenter les taxes foncières générales, mais cela signifie aussi que les taxes foncières existantes peuvent rester artificiellement basses. Des taxes plus basses, à leur tour, ont tendance à faire grimper la valeur des maisons, ce qui accentue encore le problème de l'accessibilité au logement.



Combler le déficit de données sur le logement


Des données fiables sont essentielles à l’efficacité des politiques de logement. Bien que la SCHL fournisse des données solides à long terme sur les mises en chantier et les achèvements de logements, des lacunes persistent dans des domaines clés :

  • Absence de données fiables sur la taille des maisons neuves, les composantes des coûts de construction ou les montants des taxes et frais intégrés

  • Visibilité limitée sur l'inventaire des logements par type, taille, valeur ou stade de développement

  • Les nouvelles bases de données de Statistique Canada, financées par la Stratégie fédérale sur le logement, offrent un aperçu précieux des prix et des caractéristiques des logements neufs, mais manquent de la profondeur historique nécessaire à une analyse significative des tendances.

Les données canadiennes du Groupe Altus comblent en partie ces lacunes en suivant les ventes de logements neufs sur certains grands marchés. L’entreprise recueille ces données auprès des centres de vente et des promoteurs depuis les années 1990. Toutefois, pour un secteur qui joue un rôle si important dans l’économie nationale, le Canada manque toujours de données complètes, normalisées et accessibles au public sur le logement. Le renforcement de cette infrastructure de données permettrait de prendre de meilleures décisions politiques, d’améliorer la transparence du marché et de réduire l’incertitude pour les promoteurs, les prêteurs et les consommateurs.



Un système sous tension et la voie à suivre


La crise du logement au Canada n’est pas le fruit d’un seul échec politique, mais plutôt l’effet cumulatif de multiples pressions structurelles. Les délais d’approbation municipaux qui s’étendent sur plusieurs années, les fortes disparités dans les frais d’aménagement et les modèles de financement des infrastructures, ainsi que la multiplication des exigences réglementaires ont collectivement fait grimper le coût de la construction de nouveaux logements. Ces pressions sont amplifiées par un modèle de financement municipal qui transfère le financement des infrastructures des impôts fonciers généraux vers des frais initiaux payés par les nouveaux acheteurs, ce qui représente une rupture nette avec l’approche de financement par l’emprunt qui a contribué à bâtir le Canada d’après-guerre.

Il en résulte une baisse spectaculaire des ventes de logements neufs, des projets au point mort et des risques croissants pour l'emploi dans le secteur de la construction et la croissance économique. Pourtant, la demande n'a pas disparu : le marché de la revente demeure actif, les gens continuent de migrer à la recherche de logements abordables et des capitaux sont disponibles pour investir dans de nouveaux projets, pourvu qu'ils soient réalisables. Des pistes comme la conversion d'immeubles de bureaux en logements, une plus grande transparence de la fiscalité liée au logement et une infrastructure de données améliorée sur le logement constituent une partie de la solution, mais seulement si les gouvernements coordonnent leurs efforts pour simplifier les processus et réaligner les incitatifs. Le Canada ne manque ni de demande, ni de capitaux, ni d'idées. Ce qui lui manque, c'est un système de logement capable de fournir l'offre de manière efficace, transparente et à grande échelle.



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Pierre Normand

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